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C’était une journée triste et molle. Le ciel était brumeux, les rues sales et grises. Alors j’en ai profité pour faire un tour de scooter. Humer l’air de la cité engourdie par un samedi insipide de février est un plaisir solitaire. 

J’ai donc enfoncé mon heaume étincelant, mis mes gantelets patinés et enfourché mon bel étalon de cent vingt-cinq chevaux. Et nous sommes partis au pas de course, guidés par les senteurs sucrées et gazolées de la ville, le vent sifflant aux oreilles et glissant sur le corps.

Je me suis engouffré dans les boulevards trop larges et sans intimité. J’ai remonté les avenues sagement disposées. J’ai emprunté des rues, pris des raccourcis, monté sur des trottoirs, remonté des sens interdits. Et je suis arrivé rue Watt.

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What is Watt ?
Watt est une charmante rue glauquissime à faire frémir un mort-vivant. Elle s’engouffre sans vie dans un trou noir sans fond où rien ne bouge. Une caverne sombrement éclairée par des lampadaires borgnes. La rue Watt, dans sa majeure partie, s’étire sous un tunnel décati et inquiétant.

Pas de maison, pas de piéton, pas de pigeon ni de chat. Seul dans cette grotte, j’avance d’un pas timide. Parfois, une automobile esseulée traverse le corridor à vive allure, la peur au ventre et effarée de voir un humain en un tel endroit. Puis le silence sépulcral reprend possession des lieux et soudain, un grondement d’enfer retentit. Et s’estompe aussitôt. Haletant, je comprends que c’est un train qui vient de passer. 

Je m’enfonce dans la rue comme dans un marécage. De l’eau saumâtre venue d’on ne sait où stagne dans les caniveaux. Des odeurs fétides me collent à la peau. Les poutrelles d’acier et de béton attirent mon regard apeuré. On dirait les restes d’un bunker allemand. Je m’attends à voir surgir un officier siglé des deux S maudits.

J’erre seul et gère seul ma traversée solitaire. Enfin, j’arrive à l’autre bout du tunnel. Je prends une bouffée d’air et reviens immédiatement sur mes pas, avant que des esprits malins ne repèrent ma présence.

Au loin de l’autre côté, la lueur du jour et ma délivrance proche. J’accélère le pas. Ce serait trop bête d’être rattrapé maintenant par une force maléfique ou plus probable, de tomber bêtement en syncope et de finir seul au milieu de nulle part.

Je retrouve mon bel étalon avec plaisir. Maintenant, je peux faire le fier.

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Une réponse "

  1. anti dit :

    Mdrrrrr !!! J’suis fan !!! J’ai cru voir Gérard Lambert seul sur la route de Longjumeau… Trop peur !

    anti, will son.

  2. Anna Galore dit :

    Je fais partie des 12 personnes au monde qui connaissent la rue Watt.

    Comme toi, j’y ai survécu après l’avoir traversée d’un bout à l’autre en apnée.

    D’ailleurs, c’est là que nous avons recueilli notre chatte grise, Paloma, qui a, depuis, un regard complètement halluciné. A côté, Stephen King, c’est de la gnognotte.

    Terrible.

  3. misterjekyll dit :

    Bonjour anti et Anna Galore
    @anti = c’était pas sur la route de Rungis ?
    @Anna Galore = nous sommes donc 12. Stephen King en est ?

  4. ramses dit :

    Paloma, originaire de Watt’ street ? J’hallucine !

  5. Ex-Sagem dit :

    Bonjour,
    J’ai travaillé sur le site de Paris Tolbiac
    de 94 à 99 et je connais la rue Watt.
    De jour, ça fait bizarre, ça suinte de partout et les trains passent pour ou d’Austerlitz.
    Je travaillais à la SAgem Tolbiac qui louait des bâtiment rue Watt, Croix de Jarry et quai Panhard.
    J’y ai vu des clauchards, pas des SDF, des rats et beaucoup de camions pour des photos de mode à l’entrée du pont.
    Le pont figure dans le film papy fait de la résistance, la scène est courte.
    Restant à votre disposition.

    Guy Mien

  6. watt dit :

    l’herritie de James Watt

  7. pat dit :

    Allez y faire un tour aujourd’hui, tout a changé, même le tracé me semble -t-il

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